L’esthétique de l’engagement écologique / The Aesthetics of Ecological Engagement
PhD Thesis
HAMARAT, Y. (2019). L'esthétique de l'engagement écologique : l'impensé des politiques environnementales. Thèse Doctorale, Université de Montréal. URL: http://hdl.handle.net/1866/23342
janvier 2019
The doctoral dissertation is in French, and the defence took place on August 29th 2019. You can download the digital publication through The Université de Montreal’s electronic database.
Abstract
In the last forty years, designers have not been immune to the political turn of the ecological crisis and the normative tools that it generated to design our relationship to the world. In this professional field, sustainability has been applied particularly to the choice of materials and the standards created have tended to consolidate the aesthetic properties of the Modern Movement. This endemic aesthetic, highly standardizing, anthropocentric and ahistorical, is opposite to the change promised by environmental policies that require citizen commitment, building a community between human beings, and also with others, non-humans. Criticisms against the Modern Movement and environmentalism showed that the ecological commitment could take shape in another aesthetic, an aesthetic which also defeats the distinction between nature and culture and preserves the agency of people for sustainability.
From a pragmatist and realistic perspective, looking at aesthetic through an anthropological approach, this thesis argues that ecological commitment depends on this particular aesthetic. The hypothesis is that the ecological commitment is closely linked to aesthetics of wear – the ability of materiality (bodies and things) to transform, to show mark of uses and time. Various forms of ecological commitment have been identified to verify this hypothesis, and their visual aesthetic properties documented. A photoethnographic survey was conducted between 2014-2016 with six individuals, two couples and four ecological communities, all settled in urban areas. The fieldwork includes a self-managed activist squat in Istanbul, a self-managed cultural and social center in Berlin, a self-managed neighbourhood in Copenhagen, a communitarian house in Montreal, persons following the principles of simple living in Montreal and a self-ethnography performed in the light of ecological practices observed in these fieldworks. A photographic data collection contextualised through a field notebook allows describing the aesthetic properties of those ecological places and the actions undertaken.
The results show that the aesthetics of wear is a transversal quality of these environments. It was identified in artificial and natural materiality, but also gestures. The analysis also reveals twelve other aesthetic properties crucial to ecological commitment. This research allows us to take a critical look at sustainable practices. It contributes to a richer understanding of oppressive and engaging aesthetic properties. Designers shape everyday aesthetics. The knowledge produced allows designers and the other producers of the artificial environment to consider aesthetics as a lever of action for commitment and ecological transition. In particular, it demonstrates that aesthetics is a key element of social and cultural transformations, but its anthropological dimension remains to be explored, tested and legitimised. Finally, this work aspires to contribute, on a theoretical level, to the relationship between aesthetics and commitment, and explore the possibility of a policy (or not) for artificial to improve our future production patterns.
Résumé
Depuis près de 40 ans, les designers n’échappent pas à la tournure politique de la crise écologique et aux outils normatifs qu’elle engendre pour concevoir notre rapport au monde. Dans ce champ professionnel, la mobilisation du concept de durabilité s’est appliqué particulièrement au choix des matériaux et les normes qui en ont découlé ont tendu à consolider les propriétés esthétiques promulguées par le Mouvement moderne. Cette esthétique endémique, fortement uniformisante, anthropocentrée et anhistorique est à l’encontre du programme de changement promis par les politiques environnementales qui enjoint l’engagement citoyen, la construction du commun entre les individus, et aussi avec les autres, les non humains. Les critiques exprimées contre le Mouvement moderne et l’environnementalisme ont pourtant montré que l’engagement écologique peut prendre forme dans une autre esthétique, une esthétique qui, en outre, défait la distinction entre nature et culture et conserve aux personnes une capacité d’agir nécessaire à la durabilité du monde. En posant un regard anthropologique sur l’esthétique, dans une perspective pragmatique et réaliste, cette thèse avance que l’engagement envers la cause écologique dépend de cette esthétique particulière. L’hypothèse est que l’engagement écologique est étroitement lié à la possibilité d’une esthétique de l’usure — capacité de la matérialité à se transformer, à porter l’usage et le temps.
Afin de vérifier cette hypothèse, diverses formes d’engagement écologique ont été identifiées, et leurs propriétés esthétiques visuelles documentées. Une enquête photoethnographique a été réalisée entre 2014-2016 auprès de six individus, deux couples et quatre communautés engagés envers la cause écologique dans des milieux de vie urbanisés. Les terrains d’enquêtes comptent un squat activiste autogéré à Istanbul, un centre culturel et social habité autogéré à Berlin, un quartier autogéré à Copenhague, une habitation communautaire, des simplistes volontaires à Montréal et une autoethnographie performative effectuée à la lumière des pratiques observées sur le terrain. Une documentation photographique contextualisée par le biais d’un carnet de terrain a permis de décrire les propriétés esthétiques des lieux habités et des gestes posés au nom du souci écologique. Les résultats montrent que l’esthétique de l’usure est une qualité transversale de ces milieux de vie. Elle s’atteste dans la matérialité artificielle et naturelle, mais aussi gestuelle.
Cette recherche permet de poser un regard critique sur les pratiques des designers adoptées au nom de la durabilité. Elle contribue à une compréhension plus riche des propriétés esthétiques oppressives, liberticides, écologiques et engageantes. L’une des particularités du design est sa capacité à agir sur l’esthétique du quotidien. Ces connaissances permettent aux designers, et autres producteurs de l’environnement artificiel, de considérer l’esthétique comme un levier d’action pour l’engagement et la transition écologique. Particulièrement, elles démontrent que l’esthétique est un élément clé des transformations sociales et culturelles, mais sa dimension anthropologique reste à explorer, à expérimenter et à légitimer. Enfin, ce travail aspire à éclairer, sur un plan théorique, le rapport entre l’esthétique et l’engagement, puis à sonder la possibilité d’une (contre)politique de l’artificiel pour améliorer les modes de production de demain.
Mots clés : design, écologie politique, culture matérielle, contre-culture, ethnographie
Directeur :
Philippe Gauthier, Doctorat sociologie (EHESS)
Professeur agrégé, École de design industriel, Université de Montréal